« Stromae et le pape François, même combat ! »
Pourquoi Stromae fascine-t-il autant ?
Le fait d’avoir son style à lui, très personnel, touche les gens. Il est inclassable et cultive sa différence tout en restant totalement lui-même, loin du formalisme imposé par le star system. Et sa musique bien sûr, aux multiples influences (électro, slam, rap) a beaucoup attiré par ses refrains faciles à retenir. On l’écoute à la fois pour ses paroles aux sujets graves, (le cancer, les violences conjugales, etc.) et à la fois pour danser. Rassembler ces deux critères est plutôt rare.
Il est aimé pour son style et sa personnalité ou pour sa musique ?
Les deux ! Une musique est toujours incarnée, c’est certain que le charisme de l’interprète joue énormément. Stromae a compris l’importance de la communication et y travaille. Si je peux oser la comparaison, comme lepape François, il a compris que le message ne suffit pas, encore faut-il l’incarner pour le transmettre. Stromae et le pape François, même combat (rires) ! D’ailleurs, les disciples à l’époque, ils n’ont pas suivi des idées, ils ont suivi Jésus, un être incarné.
Que pensez-vous du clip « House’llelujah » où il se met en scène tel un gourou ?
Son message, pour moi, à travers ce clip, est « N’instrumentalisez pas Dieu ». Il joue beaucoup sur les images. « J’ai prié Dieu mais à quel saint je dois me vouer », semblerait-il dire. Tout le monde s’approprie ‘Dieu’ à sa manière mais de quel Dieu parlons-nous ? Quelle(s) image(s) avons-nous de Dieu ? Stromae sans cesse déconstruit les pensées préconçues pour sortir de l’idéologie et de l’idolâtrie. Il encourage à ne pas prendre pour argent comptant ce que la société propose mais à exercer un esprit critique en se fondant par ailleurs sur certaines valeurs, comme la famille, qui est primordiale pour lui.
Pouvons-nous voir un message évangélique à travers les chansons de Stromae ?
En parlant des réalités difficiles que chacun peut être amené à vivre, le cancer, la violence conjugale, etc. avec des choix musicaux joyeux et entrainants, il semble dire : oui la réalité est difficile mais ce n’est pas la fin ! En tant que chrétiens, nous pouvons y lire une invitation à regarder le réel sans le fuir, avec lucidité, mais sans jamais désespérer ni de Dieu, ni du monde, ni de nous-mêmes.
Son côté provoquant, voire dérangeant est-il vendeur ?
Quand il fait le clip Formidable ou quand il refuse d’aller aux Enfoirés, il n’hésite pas à prendre des risques mais surtout il assume ce qu’il est, toujours avec beaucoup de respect et d’humilité. Il construit son propre monde et se construit lui-même, tout en gardant sa liberté face au star system ou aux exigences extérieures. Les gens sont attirés par cette liberté, car eux-mêmes y aspirent. Sa force, c’est son indépendance (son producteur, son directeur artistique, son photographe étant tous des proches dans sa famille). Et comme il l’a rappelé à la presse « On ne fait pas de la musique pour le succès ». Il fait de la musique avant tout pour lui-même, il s’amuse beaucoup, il fait des grimaces, il prend plaisir ! Il suit sa route. Je lui souhaite qu’elle continue longtemps avec autant de talent et d’intégrité !
Propos recueillis par Marie Benêteau