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Mandela, le combattant et le rassembleur : "Il s'adressait à ce qu'il y a de meilleur en nous" ( Barack Obama)
Mandela, le combattant et le rassembleur : "Il s'adressait à ce qu'il y a de meilleur en nous" ( Barack Obama)
Ce que je retiens de Mandela, c'est son choix de la non-violence pour faire tomber l'apartheid en Afrique du Sud, après avoir cru, un moment, y arriver par la lutte armée. Et aussi sa décision, mûrement réfléchie, durant ses 27 années de prison, de suivre un chemin de réconciliation pour, ensuite, rassembler les noirs et les blancs désormais minoritaires, dans l'unité d'une nation nouvelle.
Tout jeune, dans son combat pour défendre ses frères opprimés par une minorité blanche qui ne leur reconnaissait aucune liberté, pas même le droit de vote, il s'inspira de la stratégie de Gandhi, expérimentée précisément en Afrique du Sud avant d'être concrétisée en Inde.La résistance civile deviendra le socle idéologique de sa lutte pour faire disparaître ce régime inique, qui fut longtemps mis au ban des nations, à savoir l'apartheid. Le boycott, les grèves, la désobéissance civile furent les moyens pacifiques utilisés face à la violence armée de la police des blancs qui n'hésitaient pas à tirer avec des balles réelles contre des manifestants désarmés.
L'apartheid, c'était pire que la ségrégation des noirs américains, c'était "le développement séparé " des blancs et des noirs. On créait deux pays en un seul. On réservait aux noirs des territoires géographiquement séparés. Ils n'avaient aucun droit, sinon d'être les esclaves au service de la minorité blanche qui détenait toutes les richesses du pays. Seule la démocratie leur était réservée, et ce statut était inscrit dans la Constitution, contrairement aux USA où la ségrégation était en fait illégale.
Dans les années 70, en Belgique, nous avons, avec Entraide et Fraternité et d'autres ONG, participé au boycott en n'achetant aucun produit venant d'Afrique du Sud, comme les pommes grany, tout en sachant que cela avait une répercussion sur l'emploi des noirs. Mais ceux-ci acceptaient ce sacrifice dans l'espoir de voir disparaître l'apartheid. C'est ainsi que Mandela qualifiait son pays de "paria du monde entier".
Sa deuxième grande réalisation fut, après sa sortie de prison, de rassembler, dans une seule nation démocratique, 10 millions de noirs qui n'avaient jamais voté avec 3 millions de blancs qui détenaient tous les pouvoirs Cette révolution démocratique fut menée à bien grâce à son pragmatisme et surtout à sa façon de se mettre au-dessus de la mêlée. Il a eu l'intelligence de suivre le chemin de la réconciliation au lieu de celui de la vengeance. Pourtant les souffrances, les humiliations subies durant l'apartheid avaient laissé de grandes cicatrices non refermées. Ce choix, pour lui, était indispensable si on ne voulait pas remplacer un "pouvoir blanc" par un "black Power", ce qui revenait à mettre en place une dictature par une autre dictature. Tout cela lui a demandé beaucoup de doigté et de pédagogie pour convaincre ses amis de l'ANC de choisir coûte que coûte la voie du pardon ! Ainsi l'a-t-on vu, lors de la coupe du monde, soutenir l'équipe nationale de rugby, les Springboks, pourtant composée exclusivement de blancs pour ne pas s'aliéner une frange importante de la population blanche.
On l'a vu avec Martin Luther King, pour que ces deux défis réussissent, il faut qu'ils soient portés par un homme d'exception à la capacité de résistance extraordinaire et avec une volonté de mettre ses actes en conformité avec ses principes.
Prisonnier pendant 27 ans, il refusa toutes les offres de libération sous condition, avec cette réponse magnifique: "La liberté ne se marchande pas, seul un homme libre peut négocier".
Quel héritage Mandela nous laisse-t-il ?
Il a reçu dès l'âge de 7 ans une éducation religieuse donnée par un pasteur méthodiste mais il a toujours voulu séparer ses convictions religieuses de son action politique : toujours son désir de réunir. Cependant, sans forcer la note, il nous laisse, peut être malgré lui, un message proche de l'évangile.
Il nous apprend :
- Comment faire la paix et concilier les contraires !
- Comment aimer ses ennemis et refuser la tentation de la vengeance pour s'engager dans la voie du pardon qui engendre la réconciliation !
- Comment le sacrifice peut être bénéfique, lui qui disait qu'il était prêt à mourir pour que son idéal puisse se réaliser !
- Comment espérer contre toute espérance !
- Alors que trop souvent beaucoup de dirigeants pensent utiliser les armes pour résoudre les conflits, il nous a montré les bienfaits d'une révolution démocratique pacifique.
Jean-Marie Delcourt ( le 11/12/13)